vendredi 14 septembre 2018

François




La couverture est à la fois émouvante et impressionnante. Barrée de ce simple prénom, François, la coupole de Saint-Pierre de Rome, bleutée,  fait ressortir le nom que s’est choisi le cardinal Bergoglio en devenant pape, après la démission inattendue de Benoît XVI. Au premier plan, le dessinateur a tracé la silhouette puissante et solitaire du pape dans sa soutane blanche, le visage grave, le regard tourné vers le sol comme s’il y cherchait un appui. Le vent fait voler un pan de son étole, rappelant celui qui souffle sur l’Église aujourd’hui et singulièrement sur l’homme qui est en charge de la guider depuis le 13 mars 2013, jour de son élection.

C’est une biographie complète et passionnante de François que propose en cette rentrée l’éditeur Les Arènes, sous la forme d’une bande dessinée qui nous fait vivre de l’intérieur, par épisodes, le conclave qui a conduit à désigner le cardinal argentin comme le premier pape issu du continent américain. Entre chaque étape du conclave, la vie de Jorge Bergoglio est racontée en détail, sans omettre les années noires de la dictature argentine que le futur pape dut traverser comme provincial des Jésuites, au milieu d’une Église dont le clergé et les principaux dignitaires étaient largement compromis avec le pouvoir militaire du général Videla. Tous les membres de l’Église argentine qui étaient engagés au côté des pauvres furent persécutés, parfois torturés et tués, au nom de la lutte contre l’idéologie marxiste. Entre autres destinées tragiques, sont rappelées celles des deux religieuses françaises, Alice Domon et Léonie Duquet, assassinées en décembre 1977.

Confiant la narration à celui qui est son secrétaire particulier depuis de longues années, Guillermo Karcher, la bande dessinée entrelace habilement la vie passée et l’action présente de François, montrant leur cohérence dans le temps. Elle relate comment le nonce apostolique à Buenos Aires, en partance pour Rome, annonce à celui qui est loin de s’imaginer en pape qu’il va être nommé évêque auxiliaire de la capitale argentine. C’est en mai 1992, dans l’aéroport de Cordoba. Le scénariste met ces mots prémonitoires dans la bouche du nonce : « Je ne sais pas comment vous faites, Bergoglio… Mais vous êtes toujours élu sans rien demander. » Ce qui sera encore le cas lors du conclave de 2013.

En lisant cette BD, d’aucuns trouveront peut-être le marié trop beau, et ce biopic trop hagiographique. Nulle zone d’ombre dans ce parcours d’un petit-fils d’immigrés italiens. C’est en effet son grand-père, Angelo, qui, en 1929, vendit sa confiserie de Turin  et s’embarqua avec ses six enfants pour rejoindre ses frères déjà émigrés en Argentine. Il ne pouvait pas se douter qu’un de ses petits-fils reviendrait un jour en Italie pour y être élu successeur de Pierre. Mais en lisant le récit de cette vie, on acquiert la certitude que celui qui a su traverser les épreuves de la dictature argentine sans y laisser ni sa vie ni son âme, a sans doute toutes les qualités humaines pour être aujourd’hui à la barre du navire Église et le guider entre les écueils de ce temps.

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 3:13) :



François, Arnaud Delalande (scénario), Laurent Bidot (dessin), avec la collaboration d’Yvon Bertorello, Les Arènes BD, 95 pages, 20 €.

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