La couverture est à la fois émouvante et impressionnante.
Barrée de ce simple prénom, François, la coupole de Saint-Pierre de Rome,
bleutée, fait ressortir le nom que s’est
choisi le cardinal Bergoglio en devenant pape, après la démission inattendue de
Benoît XVI. Au premier plan, le dessinateur a tracé la silhouette puissante et
solitaire du pape dans sa soutane blanche, le visage grave, le regard tourné
vers le sol comme s’il y cherchait un appui. Le vent fait voler un pan de son
étole, rappelant celui qui souffle sur l’Église aujourd’hui et singulièrement
sur l’homme qui est en charge de la guider depuis le 13 mars 2013, jour de son
élection.
C’est une biographie complète et passionnante de François que
propose en cette rentrée l’éditeur Les Arènes, sous la forme d’une bande
dessinée qui nous fait vivre de l’intérieur, par épisodes, le conclave qui a
conduit à désigner le cardinal argentin comme le premier pape issu du continent
américain. Entre chaque étape du conclave, la vie de Jorge Bergoglio est racontée
en détail, sans omettre les années noires de la dictature argentine que le
futur pape dut traverser comme provincial des Jésuites, au milieu d’une Église
dont le clergé et les principaux dignitaires étaient largement compromis avec
le pouvoir militaire du général Videla. Tous les membres de l’Église argentine
qui étaient engagés au côté des pauvres furent persécutés, parfois torturés et
tués, au nom de la lutte contre l’idéologie marxiste. Entre autres destinées
tragiques, sont rappelées celles des deux religieuses françaises, Alice Domon
et Léonie Duquet, assassinées en décembre 1977.
Confiant la narration à celui qui est son secrétaire
particulier depuis de longues années, Guillermo Karcher, la bande dessinée
entrelace habilement la vie passée et l’action présente de François, montrant
leur cohérence dans le temps. Elle relate comment le nonce apostolique à Buenos
Aires, en partance pour Rome, annonce à celui qui est loin de s’imaginer en
pape qu’il va être nommé évêque auxiliaire de la capitale argentine. C’est en
mai 1992, dans l’aéroport de Cordoba. Le scénariste met ces mots prémonitoires
dans la bouche du nonce : « Je ne sais pas comment vous faites,
Bergoglio… Mais vous êtes toujours élu sans rien demander. » Ce qui sera
encore le cas lors du conclave de 2013.
En lisant cette BD, d’aucuns trouveront peut-être le marié
trop beau, et ce biopic trop hagiographique. Nulle zone d’ombre dans ce
parcours d’un petit-fils d’immigrés italiens. C’est en effet son grand-père,
Angelo, qui, en 1929, vendit sa confiserie de Turin et s’embarqua avec ses six enfants pour
rejoindre ses frères déjà émigrés en Argentine. Il ne pouvait pas se douter
qu’un de ses petits-fils reviendrait un jour en Italie pour y être élu
successeur de Pierre. Mais en lisant le récit de cette vie, on acquiert la
certitude que celui qui a su traverser les épreuves de la dictature argentine
sans y laisser ni sa vie ni son âme, a sans doute toutes les qualités humaines
pour être aujourd’hui à la barre du navire Église et le guider entre les écueils
de ce temps.
Pour écouter cette chronique (extrait lu à 3:13) :
Pour écouter cette chronique (extrait lu à 3:13) :
François, Arnaud Delalande (scénario), Laurent Bidot (dessin), avec la collaboration d’Yvon Bertorello, Les Arènes BD, 95 pages, 20 €.
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