vendredi 21 avril 2023

A-pop-calypse



La cité Joyeux est composée de deux tours, passablement délabrées et partiellement vidées de leurs habitants, construites au siècle dernier par un architecte qui leur a donné son nom mais pas la gaieté que celui-ci suppose. Les deux tours sont reliées par une passerelle qui enjambe un canal d’où émanent de douteuses effluves : le moins qu’on puisse dire est que le décor planté en bordure de périphérique par Anne Schmauch, l’autrice d’A-pop-calypse , ne fait pas rêver. 

Mais A-pop-calypse, c’est d’abord l’histoire d’une disparition. Jean, le grand frère de Roméo, s’est mystérieusement évanoui depuis un an, au cours d’une soirée où Roméo se trouvait aussi. Donc, depuis un an, désemparé mais pas désespéré, Roméo, 20 ans, qui vit seul avec sa mère, attend son retour, zonant au pied des tours, en compagnie de son copain Zbeul et de deux filles Carmen et Miranda, dont ils sont amoureux, la réciproque étant moins sûre.

Avant de disparaître de la vie de Roméo, son grand frère lui a fait un étonnant cadeau : le théâtre complet de Racine dans lequel Roméo, qui a eu le temps de l’apprendre par cœur, puise de temps à autre des vers de circonstance, légèrement décalés et donc carrément comiques. Roméo, qui aime la volcanique Miranda – mais en secret car il juge que Miranda ne peut pas l’aimer en retour - entretient le lien avec sa belle à coups de sms : des devinettes qui sont autant de défis qu’ils se lancent, en forme de « Monsieur et Madame ont un fils - ou une fille - comment l’appellent-ils ? » 

Les ascenseurs étant définitivement en panne, Roméo, confit dans son attente fraternelle et amoureuse, se fait de l’argent de poche en montant des packs d’eau à quelques vieux résidents qui n’ont pas eu les moyens de quitter leur appartement, pendant que son pote Zbeul vit d’un mi-temps à la piscine municipale. 

Mais quand une vieille excentrique restée seule au 22ème et dernier étage de la tour B, avertit Roméo qu’elle a des choses à lui dire sur son frère, le cœur de Roméo s’emballe et c’est au bord du malaise qu’il grimpe les étages pour se retrouver haletant devant la porte d’Imogène.

À partir de là tout part en vrille. Une fois révélés la tragédie qui hante Imogène et la vengeance terrible qu’elle projette, Roméo et sa bande vont se trouver entraînés dans une aventure qui vire au fantastique, jusque dans les profondeurs insoupçonnées des deux tours. Ils devront, entre autres bricoles, affronter des zombies éborgnés qui sortent ruisselants du canal, cambrioler une morgue pour y dérober un macchabée et se partager un rôti de teckel en guise d’exorcisme.

Cette comédie de banlieue, aussi déjantée que grand-guignolesque, flirte sans temps mort avec le rire et l'au-delà. Laissez-vous happer par son délire, vous ne le regretterez pas. 

Pour écouter cette chronique (extrait lu à  02:40) :


A-pop-calypse - Anne Schmauch - Sarbacane - 2023 (217 pages, 17 €)


 

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