dimanche 30 avril 2023

Pallas



Jusqu’ici, « Pallas » était pour moi le nom de la dame de pique et d’une version de luxe de la DS 21 de CitroënDésormais, il désignera surtout le titre de la trilogie que vient d’inaugurer Marine Carteron, avec un premier tome sous-titré Dans le ventre de Troie, paru au Rouergue. En lisant Pallas, j’ai aussi réparé une lacune : de cette autrice jeunesse incontournable, j’avais jusqu’ici réussi à contourner des œuvres aussi importantes que sa précédente trilogie Les autodafeurs ou plus récemment des livres comme Génération K, Dix ou La (presque) grande évasion. Ma pile à lire va encore s'élever.

Avec Pallas, Marine Carteron nous plonge la tête la première dans la mythologie grecque où elle avoue baigner elle-même depuis l’âge de 15 ans ayant lu « dans le plus grand désordre, tout ce que les Grecs, les Romains (et les autres) avaient écrit sur le sujet ». Je ne me suis pas jeté moi-même dans ce grand bain sans réticence.  Catholique de naissance, c’est la mythologie concurrente, judéo-chrétienne, qui m’a bercé depuis l’enfance. Les échos de la Grèce antique ne me sont guère parvenus que par les ingrates versions latines de ma scolarité, où le Zeus grec se déclinait Jupiter, Jovis. Sans jamais me passionner. Se sont ajoutées plus tard les versions, fantaisistes celles-là, des opérettes d’Offenbach que me fredonnait mon épouse - "Pour séduire Alcmène la fière/Tu pris les traits de son mari/Je sais bien des femmes sur terre/Pour qui ça n'eût pas réussi ♫" - et les relectures aussi savantes que finement humoristiques  du théâtre de Jean Giraudoux, d’Amphytrion 38 à La guerre de Troie n’aura pas lieu.

Je dois dire qu’après avoir craint un moment de me noyer dans l’abondant panthéon grec, je me suis retrouvé à nager avec aisance et bonheur dans la prose de Carteron. J’ai même été étonné que les aventures des dieux de l’Olympe, des multiples bâtard·es de Zeus, de cette mêlée foutraque, amoureuse et guerrière de mortel•les et d’immortel•les puissent se transformer en un passionnant roman que je n’ai guère eu envie de reposer avant de l’avoir terminé.

Le projet de Marine Carteron consistait à compléter l’épopée troyenne, à y remettre de l’ordre, jusqu’à proposer un récit cohérent que les sources antiques, d’Homère à Hésiode, en passant par Apollodore ne parvenaient pas, à ses yeux, à boucler de façon satisfaisante. L’autrice fait d'ailleurs en annexe une rapide présentation de ces sources, associée à un utile who's who des personnages. Pour parvenir à ses fins, il lui a fallu quelques heureuses inventions pour combler certains trous et réveiller certains silences. Son parti pris le plus essentiel dans cet impeccable travail de réécriture a été de redonner voix aux femmes, déesses ou mortelles que les auteurs antiques avaient eu tendance à remiser au second plan, derrière les dieux conquérants, les beaux mâles vainqueurs et quelques monstres couillus.

Pallas est un roman d'aventures. C’est aussi un chant et l’écriture soutenue et poétique de Marine Carteron porte souvent ce lyrisme jusqu’à l’incandescence pour dire pleinement l’amour et la folie des hommes et des dieux. Écoutez ce chant, relayé depuis la Grèce d'Homère : il est térébrant.

Pallas, tome 1 : Dans le ventre de Troie – Marine Carteron – Rouergue (333 pages, 16,90 €)

Pour découvrir Marine Carteron : une interview dans le cadre du dernier Salon de Montreuil (SLPJ 2022)


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