Paru en 2002, ce livre était resté longtemps dans ma bibliothèque sans que je l’ouvre. Il arrive ainsi qu’un livre attende son heure sur une étagère et cette attente est parfois fort longue. La durée qui sépare son arrivée de sa lecture a toutes sortes de raisons qui appartiennent à notre histoire de lecteur et à celle du livre. Pourquoi l’avions-nous abandonné sur un rayonnage ? Est-ce lui qui nous appelle quand son heure est venue ? Et si oui, quel cri pousse-t-il pour que nous l’interprétions comme une soudaine injonction : « Lis-moi ! »
En l’occurrence, la réponse est assez simple. La réactivation brutale par le Hamas, le 7 octobre dernier, du conflit israélo-palestinien, réveil d’un volcan jamais éteint depuis 1948, m’a jeté comme beaucoup devant les chaînes d’information, sur les réseaux sociaux, devant cette guerre virtuelle des images, parallèle à celle bien réelle et cruelle que se livrent les combattants des deux camps. Au bout d’un mois, j’ai éprouvé le besoin de me brancher autrement sur cette actualité terrible : en lisant.
Je me suis alors rappelé les récits que Valérie Zenatti avait écrits pour l’école des loisirs, consacrés à sa vie en Israël : Quand j’étais soldate et Une bouteille dans la mer de Gaza, paru en 2005, l’un autobiographique et l’autre imaginé.
En 1988, Valérie Zenatti vit en Israël depuis cinq ans. Née à Nice en 1970, elle a 18 ans et à 18 ans là-bas, les filles comme les garçons intègrent Tsahal, « l’armée du peuple », « la deuxième armée du monde » dit-on, pour faire leur service militaire pendant deux années, deux longues années. Quand j’étais soldate est le récit de cette intégration et des moments forts vécus par cette jeune fille, dont le service militaire va faire une femme et une pleine citoyenne de son pays d’adoption.
Quand l’autrice est appelée sous les drapeaux, le premier soulèvement - en arabe « intifada » - des Palestiniens dans les territoires occupés vient de commencer, à Gaza puis en Cisjordanie. C’est la « guerre des pierres », frondes contre fusils, pierres contre balles qui, à l’époque, sont encore, parfois, en caoutchouc.
Valérie a deux amies, Yulia et Rahel, nées en URSS et quand le livre commence c’est cette amitié qui la porte et les emporte ensemble vers le bac. Dernier baroud scolaire avant que la conscription ne les sépare. Mais très vite le récit se centre sur le déroulement du service militaire et Valérie Zenatti nous en donne une vision intérieure très prenante, nous livrant toutes les étapes à franchir et tous les états d’âme, les rêves et les doutes qui travaillent la jeune fille qu’elle était, à travers des extraits du journal qu’elle a tenu à l’époque et qu’elle intègre dans son récit rédigé une douzaine d’années plus tard. Devenir un matricule. Porter un uniforme. Se réveiller à quatre heures et demie. Apprendre le maniement des armes. Tirer à balles réelles. Devoir se promener en ville, un pistolet-mitrailleur Uzi en bandoulière. Continuer à espérer la paix. Et au milieu de tout ça, tenter de retenir Jean-David qui, Valérie ne s’y résigne pas, s’éloigne d’elle.
L’autrice nous plonge au cœur de la vie quotidienne d’une jeune soldate à la fin du XXe siècle, nous révélant peu à peu ce que les Israéliens doivent à leur passage par l’armée. À l’heure où certains pays européens rétablissent un service militaire national – la Suède récemment – il peut interroger le choix qu’a fait la France en 1997 de le supprimer. Mais ce livre n’explique évidemment pas pourquoi ni comment Tsahal vient de faillir à son devoir de défendre le pays, ni pourquoi la paix semble s’être encore éloignée, 30 ans après les accords d’Oslo.
Pour écouter cette chronique (extrait lu à 03:35) :
Quand j’étais soldate – Valérie Zenatti – l’école des loisirs – 2002 (336 pages, 8,50 €)
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