couverture : Carine Brancowitz
« Deschooling Society ». Qui se souvient qu’en 1971, Ivan Illich allait lancer sous ce titre son premier pavé dans la mare, prévoyant autant que prônant « une société sans école », après avoir constaté combien les résultats de cette institution éducative divergeaient de ses buts affichés ?
La fréquence croissante des enfants refusant d’aller à l’école ne serait-elle pas de nos jours la confirmation en creux des thèses d’Illich, qui après avoir démontré que l’école nuisait à l’éducation, poursuivit dans la même veine critique - l’automobile nuisait au transport et la médecine à la santé - dans des livres audacieux, paradoxaux, et qu’on pourrait qualifier aujourd’hui de prophétiques.
Allons plus loin. Les enfants qui se déscolarisent ne seraient-il pas les victimes de ce dysfonctionnement diagnostiqué depuis plus de cinquante ans et auquel on s’est refusé politiquement de remédier ? Leur mal, on lui donne désormais un nom : phobie scolaire mais n’est-ce pas l’institution qui est malade, maltraitante, comme bien d’autres ? Cette phobie est caractérisée par un repli général sur la sphère privée au point que les enfants concernés finissent par refuser purement et simplement de sortir de leur domicile, voire de leur chambre.
Ceux auxquels on a donné au Japon le nom d’« hikikomoris », y seraient, jeunes et adultes, plus d’un million. Ce qu’on appelle chez nous le « syndrome de la cabane » s’est encore développé à la faveur des mesures de confinement imposées pendant l’épidémie de Covid. Pour certains, le monde extérieur et la perspective de sa fin prochaine, sont devenus tellement angoissants que rester chez soi est devenu, si l’on peut dire, la seule porte de sortie !
Avec son livre intitulé justement La cabane, Ludovic Lecomte nous met dans la tête d’un jeune narrateur de 16 ans, enfermé chez lui depuis 6 mois et qui s’apprête, dûment piloté à distance par sa psy, à effectuer sa première sortie.
C’est à une sorte de compte à rebours que l’auteur nous invite, ayant d’ailleurs numéroté ses chapitres à l’envers pour signaler qu’on s’achemine vers un dénouement et, qui sait, un nouveau départ.
Chemin faisant, notre ado, qui n’a même pas de prénom déclaré par son auteur, nous partage les six mois qu’il vient de vivre sans jamais passer la porte qui donne sur son jardin.
Le premier jour où il n’a pas pu partir au lycée, ses parents ont cru à un caprice, se sont fâchés, ont voulu le forcer à sortir. En vain. La cabane était déjà en place.
Bien que nous soyons en théorie dans sa tête et parce que nous n’en sortons pas plus qu’il ne sort de chez lui, nous ne comprenons pas mieux la situation que lui : son origine, son développement, ce qui la pérennise, rien n’est clair.
Mais c’est justement la qualité principale de ce petit livre de montrer sans jugement, avec empathie, ce qui se passe autour d’un ado, vu par lui, bloqué sur ce refus intime du monde, qui reste mystérieux. Tout le phénomène, rien que le phénomène.
Pour écouter cette chronique (extrait lu à 03:03) :
La cabane - Ludovic Lecomte - Medium+ de l'école des loisirs (111 pages, 12,00 €)
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