vendredi 1 mars 2024

La tarte aux escargots

illustration de la couverture : Agnès Maupré

Brigitte Smadja nous a quittés il y a tout juste un an, le 15 février 2023. Mais les écrivains jeunesse, quand ils ont un éditeur fidèle, n’abandonnent pas leurs enfants, qu’ils soient de chair ou de papier. En atteste la réédition ce mois-ci, par l’école des loisirs, de La tarte aux escargots, un livre publié en 1995, largement nourri par les souvenirs de l’autrice et de son entrée en sixième.

Brigitte Smadja l’a confié à Sophie Chérer : elle écrit « à la place de l’enfant qu’elle invente ». C’est sa force. Mais dans La tarte aux escargots, Lili, c’est elle, la gamine de onze ans qui quitte son appartement de la rue de la Goutte d’Or, prend le métro toute seule jusqu’à la place de Clichy pour rallier le lycée Jules-Ferry. Le jour de la rentrée, elle est si petite que la surveillante générale croit qu’elle s’est trompée et la renvoie vers l’école primaire d’à côté... Mais le second jour, Lili montre sa blouse beige où sont brodés son nom et sa classe et elle va se retrouver avec deux petites bourgeoises, Irène et Laetitia, qui sont amies, et Luisa Peret, prolétaire comme elle, qui a le même duffle-coat que Lili, offert par la mairie…

Lili a une maman mais plus de papa et deux petits frères, Renzi et Vanni, qui l’occupent pas mal. Comme sa mère travaille, elle joue la maman-bis et ce n’est pas de tout repos, notamment quand Vanni se fait découper une oreille à la récré.

Laetitia est une mademoiselle Je-sais-tout qui n’a de cesse de rabaisser Lili en toute circonstance. Mais Lili ne se laisse pas faire et surtout elle trouve en Luisa une alliée de classe qui s’interpose à deux ou trois reprises pour la protéger. Laetitia finit par se tenir à carreau même si elle continue à nourrir une jalousie permanente envers Lili, qui s’accroît encore quand Mme Vigier invite Lili à entrer dans la chorale du collège qui va chanter à la Sorbonne.

L’invitation d’anniversaire envoyée par Irène passe mal aux yeux de Laetitia, mais Lili s’y rend, non s’en avoir contemplé quelques jours auparavant dans l’évier de son voisin un troupeau d’escargots en train de dégorger, qui l’a passablement dégoûtée. Dans l’appartement cossu d’Irène qui donne sur le parc Monceau, Lili n’est pas très à l’aise. Mais quand elle voit arriver la tarte Tatin, elle n’a plus qu’une idée, s’enfuir, rentrer chez elle...

Les tableaux successifs qui composent La tarte aux escargots nous transportent au milieu des années 60. Le livre est largement autobiographique : le père de l’autrice, qui tenait à Tunis le restaurant du casino de La Goulette, est décédé. Sa mère quitte le paradis tunisien avec ses trois jeunes enfants pour atterrir dans un deux-pièces de la rue de la Goutte d’Or dans le XVIIIe. Comme l’écrit Sophie Chérer, la petite fille de 8 ans devient « du jour au lendemain orpheline, mère de famille et travailleuse immigrée ». L’école de la République, où elle est bonne élève, va la sauver.

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 02:51) :


La tarte aux escargotsBrigitte Smadjaneuf de l’école des loisirs (98 pages, 7,50 €)



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