C’est un récit impressionnant que nous livre Alexandre Chardin dans Le cri du corps. Un récit de fureur, de souffrance et de rédemption, mené tambour battant par un « je », prénommé Adam comme le premier homme.
Tout commence par une énième bagarre, aussi absurde que nécessaire, comme il s’en livre périodiquement entre gamins de cités rivales, à coups de battes, de barres de fer, de boules de pétanque et de couteaux de plus en plus longs. Cette fois-là, c’est Adam, l’un des plus jeunes, qui reste cloué au sol. Quand les policiers arrivent, toute sa bande s’est enfuie et quelque chose en lui décide de ne pas répondre, de ne pas ouvrir les yeux, de rester le nez collé dans l’herbe du terrain de foot où il est tombé, à faire le mort, pour de faux bien sûr, pour le plaisir « d’emmerder les keufs », d’entendre la sirène des pompiers, de se laisser porter comme un paquet inerte de civière d’ambulance en lit d’hôpital, roulant à toute vitesse dans les rues et dans ces couloirs blancs qui sentent le lino et le désinfectant. Comme sur des roulettes !
À 14 ans, Adam aime en vrac les roues arrière, le foot, les potes, Fifa, et puis, l’intruse dans cette liste, la fille Lison, une fille de l’autre côté, de l’autre collège des beaux quartiers, pas celui des cailleras où Adam brille sans peine tant la concurrence au tableau noir est faible. Pour l’heure, Lison n’est pour Adam qu’un prénom saisi au vol, un regard aussi qui lui a flanqué un drôle de frisson, et quelques histoires qu’il commence à se raconter autour de deux ou trois choses qu’il ne sait pas d’elle.
Seulement voilà, à l’hôpital, è finita la commedia ! Adam a poussé un grand cri, le cri du corps qui l’a lâché, ce corps nouveau qu’il va devoir apprivoiser, affrontant la pitié dangereuse qu’il inspire. Heureusement, il y a Anouk, l’infirmière que les ruades mentales d’Adam ne rebutent pas. Heureusement, il y a Mouss, le seul de la bande qui n’a pas lâché Adam mais qui prend cher pour tous les autres. Heureusement, il y a surtout Nora, la grande sœur qui prend le relais d’un mère défaite, Nora qui cherche et trouve des solutions pour aménager la vie d’après.
Obligé de changer de collège pour une bête mais vitale question d’ascenseur, voilà Adam qui se retrouve chez les bourges ! Mais chez les bourges, il y a Lison justement. Comment va-t-elle réagir face à cet Adam nouveau, qui a perdu cinquante bons centimètres dans l’affaire et que tout le monde regarde de haut ou de biais, un peu beaucoup gêné ? Tout le monde ? Sauf Lison, qui, elle, regarde Adam dans les yeux. Et ça, c’est peut-être un morceau de chance dans le malheur d’Adam.
Alexandre Chardin a écrit un livre coup de poing et coup de cœur qui nous fait traverser un drame à toute allure et nous redit à sa façon cette phrase à la con que détesterait sûrement Adam : « tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ».
Pour écouter cette chronique (extrait lu à 02:52) :
Le cri du corps – Alexandre Chardin – X’ de Sarbacane (124 pages, 13,50 €)
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