Sur le front de la vie
Les « vacances » des lecteurs furent un peu longues depuis
la sortie de la saison 1, le 13 avril dernier. Mais nous sommes en septembre et
les consultations reprennent enfin rue des Murlins, dans le cabinet de Sauveur
Saint-Yves, psychologue clinicien. Ella et Sauveur, eux, se retrouvent après la
coupure de l’été, non sans émotion, partagée : en principe, un thérapeute n’a
pas de patient préféré mais nous savons déjà que Sauveur est faillible et c’est
d’ailleurs par et pour ses failles qu’il est aimé. Pour lui, chaque jour de la
semaine a donc un prénom. Le lundi c’est Ella.
C’est grâce à Ella-Elliot que cette deuxième – et non
seconde – saison se raccorde en douceur avec la première. Le lecteur qui
découvrirait Sauveur en ce 9 novembre deviendra vite familier de la tribu qui
s’est constituée autour de lui, sans avoir à lire le volume précédent.
D’autant que la dite tribu va s’enrichir de nouveaux
personnages, côté clientèle et côté « VéPé », cette « vie privée » dont Lazare,
le jeune fils de Sauveur, a été un acteur-clé pendant la saison 1. C’est lui,
rappelons-le, dont la curiosité nous a entrouvert la porte du cabinet de
Sauveur. Mais nous n’avons plus besoin de ce jeune témoin pour suivre les
thérapies en cours et nouvelles, racontées par un narrateur plus omniscient que
jamais. Omniscience bienvenue car vie professionnelle et vie privée de Sauveur
s’emmêlent de plus en plus, débordé qu’il est par ses amours régulièrement
contrariées par son métier, ses hamsters prolifiques et des squatters qui
tapent l’incruste chez lui : le jeune Gabin, qui se verrait bien adopté et
Jovo, un vieux légionnaire SDF qui lui aussi élirait volontiers domicile fixe
rue des Murlins, fût-ce dans la cave. L’adresse est bonne, qu’on se le dise !
Le rythme des semaines, qui forme les chapitres, a été gardé au seuil de cet
automne 2015, où nous allons découvrir aussi que Gabin est un fan de The Eagles
of Death Metal…
Il y a dans la saison 2 comme une nouvelle fluidité. Roman
choral diront certains ou plutôt désormais : roman « fluminal ». Tout y
communique, êtres et situations, parce que le courant de la vie emporte Sauveur
et ceux qui deviennent de plus en plus les « siens » dans une sorte de fleuve
plus fort que tous les principes thérapeutiques et tous les cloisonnements
sociétaux. Au seuil de la retraite, l’institutrice de Paul et Lazare, que nous
voyons se débattre dans sa classe, vient trouver chez Sauveur un remède à ce
qu’elle pense être son obsolescence pédagogique. Pendant qu’une famille de
réfugiés syriens est interviewée par Louise pour La République du Centre, notre
psy entreprend d’en soigner la fille, Raja, traumatisée par les exactions de
Daech.
La vie avance son front têtu, simultanément blessé et guéri.
Ouvrant les bras de son récit, Marie-Aude Murail pousse une nouvelle fois
devant elle son petit monde qui se débat, diversement violenté, jusqu’à un
concert qui n’est pas encore celui auquel tout le monde pense, un an après. Il
faudra attendre le printemps 2017 et la saison 3 pour savoir ce que la musique
peut vraiment sauver.
Sauveur & Fils, saison 2 - Marie-Aude Murail - l'école des loisirs (320 pages, 17 €)
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