vendredi 25 novembre 2016

iM@mie


En matière de littérature pour la jeunesse, choisir un livre à lire ou à offrir n’est pas plus facile que dans le monde des grands. Mais comme dans celui-ci, les prix décernés chaque année peuvent permettre de repérer les bons livres sortis, sinon toujours les meilleurs. Certes il n’y a pas le battage médiatique qui accompagne chaque automne les prix Goncourt, Renaudot ou Femina. Mais certains prix jeunesse se distinguent par la qualité de leur jury ou par le procédé de désignation des lauréats. Trois exemples parmi d’autres : les Prix Sorcières sont attribués chaque année par un jury de libraires professionnels, regroupés au sein de l’Association des libraires spécialisés jeunesse ; le prix des Incorruptibles, lui, se veut comme son nom l’indique, libre de toute influence et ce sont les jeunes eux-mêmes qui votent pour le livre qu’ils ont préféré : ils étaient plus de 400 000 en 2015-2016 ! Ajoutons que tous les ans, début décembre, se tient le salon du livre et de la presse jeunesse, aussi connu sous le nom de salon de Montreuil. Y sont décernés désormais des « pépites » - auparavant c’étaient des « totems » - choisies cette année parmi une sélection de 36 titres répartis en 8 catégories (il y a aussi des documentaires et des livres audio). Partout en France, beaucoup de salons du livre organisent localement des prix qui ont deux fonctions : faire lire les jeunes et attirer les auteurs présélectionnés…

Si je mentionne aussi le prix Chronos, c’est que l’auteure dont je veux vous parler aujourd’hui l’a reçu en 2016 pour son livre iM@mie. C’est un prix de littérature original qui s'attache, je cite, à « faire réfléchir les jurés sur le parcours de vie et la valeur de tous les temps de la vie, les souvenirs, les relations entre les générations, la vieillesse et la mort, les secrets de famille ainsi que la transmission des savoirs. » Dans iM@mie, l’auteure, Susie Morgenstern, la plus américaine des Françaises, se livre largement dans le personnage d’une grand-mère chargée par sa fille d’accueillir Sam, un ado bien doué mais trop accro aux jeux vidéo pour envisager raisonnablement de préparer chez lui son bac de français. On n’est pas sérieux quand on a 16 ans. Bien tranquille dans sa retraite niçoise, Martha pèse le pour et le contre. Certes elle s’entend très bien avec Sam, mais avoir ce jeune Parisien à demeure nuit et jour, hériter la responsabilité de le conduire jusqu’au bac, elle ne sait pas si c’est le rôle d’une grand-mère, si elle tiendra le coup, si même elle le souhaite. En bref, selon la l’expression qu’affectionne Susie elle-même, Martha hésite à la perspective de devoir « grand-merder » à temps plein.

En une série de très courts chapitres, qui ressemblent aux vignettes extraites d’un journal intime, Susie nous conte les relations affectueuses et tumultueuses d’une mamie avec son petit-fils. Car bien sûr, Martha a dit oui à sa fille et Sam débarque chez elle, sans ordinateur ni portable, pour un long sevrage d’électronique. Pour sa cure, il est bien tombé : sa grand-mère, veuve depuis vingt ans, n’a jamais touché un ordinateur de sa vie et n’a même pas la télé. Mais elle aime la musique – Sam est pianiste - fait très bien la cuisine – Sam est un ado gourmand - et sa maison est tapissée de livres – Sam en a un certain nombre à lire pour son examen. Tout ceci pourrait bien compenser cela.


C’est d’ailleurs à un drôle d’échange que nous assistons entre la grand-mère et le petit-fils, une sorte de corruption croisée et pourtant vertueuse, d’où chacun va tirer des bénéfices inattendus. Comment Sam va découvrir que, contre toute attente, sa vie ne se réduit pas à passer le bac, comment Martha va s’extraire de son long veuvage en forme d’hivernage, vous le saurez en lisant iM@mie. Jeunes et moins jeunes en prendront de la graine.  Mamies et papys, vous découvrirez comment et pourquoi on peut devenir des i-mamies et des i-papys, i comme internet, bien sûr. Et Susie Morgenstern vous administrera une nouvelle fois la preuve que la littérature pour la jeunesse est, à tous les âges, un vrai remède à la mélancolie.

iM@mie - Susie Morgenstern - l'école des loisirs (199 pages, 14,80 €)

Un portrait de Susie Morgenstern ? Cliquez ici.

En podcast sur RCF Loiret (écoutez un extrait du livre à 3:41) :

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