« Je
viendrai peut-être. Pas sûr » Avec son roman Troubles, Claudine Desmarteau fait le portrait de la génération
« ou pas » autour de deux potes, Camille et Fred, l’un accro au
cinéma et l’autre à la fumette. Nous suivons ces deux lycéens dans leur vie capitale,
Paris 11ème, ni plus ni moins passionnante que celles de milliers d’autres. Les
parents de Camille sont en instance de désamour et Camille, le narrateur, se
demande combien de temps va durer cet enfer. Fred, lui, joue les amoureux
transis derrière son rideau de fumée sans paroles. Nos deux compères s’ennuient
ferme en cours et leur classe s’invente un bouc émissaire en la personne de
Kilian, qui schlingue gentiment et qu’un condisciple inspiré va rebaptiser
Fukushima.
La vraie vie est ailleurs mais personne ne sait trop où. Beaucoup de
soirées où l’on boit trop, où l’on frise le coma éthylique et côtoie la mort
pour se donner l’impression de vivre. Même pas peur, enfin, juste un peu, quand,
par exemple, dans ce square, des policiers en civil fondent sur le banc de
Camille et Fred, où tourne une petite taffe de shit. Camille de temps en temps
joue à M. Cinéma et nous colle une fiche qui nous transporte loin, le temps
d’une double page. Aux robes de Mme Chan dans In the mood for love succèdent Les
amours imaginaires de Francis et Marie, les fesses de Bardot sous la caméra
de Godard. Ça fait comme une ponctuation, une pause culturelle, une bouffée
d’air, au milieu d’adolescences qui semblent patiner sur place.
Kilian alias Fukushima
devient plus ou moins le souffre-douleur ou la mascotte de sa classe, selon les
moments et l’humeur des uns et des autres, et surtout celle de Paul. Paul
justement qui organise un week-end à la campagne dans la maison de ses
grands-parents. Kilian a été invité lui aussi, et il ne tient pas bien
l’alcool. Était-ce vraiment une bonne idée ? Tout semble bien se passer au
début, mais dans les brumes du premier soir, personne ne voit rien venir...
Claudine
Desmarteau filme avec talent et empathie ces ados, au plus près de leurs
désespoirs crânes et de leurs désirs hésitants, de leurs passions naissantes et
de leurs vies déjà blessées. Il faudrait vite traverser le lycée, le laisser
loin derrière mais le lycée prend son temps et dévore chacun à petit feu.
Camille résiste comme il peut grâce à la passion du cinéma qui le nourrit.
C’est la vulnérabilité adolescente, ce que Françoise Dolto nomma le
« complexe du homard », qui pointe dans ce roman au parfum
existentialiste un peu rétro. Sa chute est une douche glaciale.
Troubles - Claudine Desmarteau - Albin Michel Wiz (187 pages, 12 €)
En podcast sur RCF Loiret (écoutez un extrait du livre à 2:47) :
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