Que
feriez-vous si, en vous promenant au milieu des bois, vous trouviez une vieille
femme assise sur un tronc d’arbre, perdue et muette comme un champignon poussé
là ? A condition d’avoir du réseau et un portable chargé, vous appelleriez
les pompiers ou la gendarmerie et vous attendriez qu’ils viennent prendre
livraison de cette mystérieuse inconnue. Et l’histoire s’arrêterait là.
Il se trouve
que Jeanne, qui fait ce genre de découverte, ne semble pas avoir envie de faire
appel aux gendarmes. Ça tombe bien d’ailleurs, car elle n’a plus de portable.
Mais elle ne peut pas laisser cette vieille sur sa souche, car elle acquiert
vite la conviction que si elle ne fait rien, dans dix ans, le champignon sera
toujours là et en moins bon état. Jeanne ramène donc madame X. à la
civilisation et comme elle n’arrive pas s’en dépêtrer – on est responsable de
ce qu’on a apprivoisé, n’est-ce pas ? - elle l’accueille dans l’espèce de
cabanon qu’elle occupe en bord de mer, seule, pour un tas de raisons qu’on
comprendra plus tard.
Car si
l’inconnue semble sortie de nulle part, sinon d’un enchantement forestier,
Jeanne, le lecteur se demande rapidement ce qu’elle fait là, elle aussi. Toute
l’habileté narrative de Lorris Murail, l’auteur, est de poser au début de son récit ces deux gros
points d’interrogation : qui est la femme des bois et qui est Jeanne,
cette ado réfugiée qui semble ne rêver que d’une chose : partir en
Thaïlande pour y devenir championne de boxe ? La première semble cloîtrée dans
une démence sénile dont elle ne sort que par brefs instants, stimulée par sa
jeune hôtesse. Quant à Jeanne, réduite à monologuer avec sa copine de hasard,
qu’elle a baptisée délicatement Al, comme Alzheimer, elle commence à nous
livrer malgré elle des bribes de son passé en tentant d’arracher son secret à
la vieille dame désespérément mutique. L’auteur entrelace ces deux destins que
rien ni personne n’aurait dû faire se rencontrer, aux deux extrémités de la
vie.
Un beau
jour, Jeanne, qui évite de trop se faire remarquer des gens du village, croise
Fabien, et ce n’est pas totalement par hasard, elle va s’en rendre compte
bientôt. L’une fuit mais l’autre cherche. Quoi précisément ? Eh bien vous
le saurez en lisant Rien ni personne.
Attention aux engrenages, prévoyez votre soirée : ce livre fait partie de
ceux qu’on peut difficilement refermer avant la fin, à l’instar des meilleurs
polars. Lorris Murail y confirme son formidable talent de planteur de décors et
d’éleveur d’histoires.
Rien ni personne - Lorris Murail - Sarbacane (225 pages, 15,50 €)
En podcast sur RCF Loiret (écoutez un extrait du livre à 2:42 ) :
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