Une insidieuse descente aux enfers. Jusqu'où ?
Ne
vous fiez pas à la splendide couverture de ce livre : une silhouette
androgyne, vue de dos, semble prête à émerger dans la lumière, au sortir d’un
couloir à la froide géométrie… Eh bien non, noir c’est noir. Naissance des cœurs de pierre, le
nouveau livre d’Antoine Dole est une lecture sombre, oppressante, poisseuse, qu’il
est pourtant difficile de lâcher une fois entamée. Avec une habileté
machiavélique, l’auteur place son lecteur dans deux tunnels narratifs, en
alternance, sans connexion ni communication apparente et sans qu’il soit
possible d’y faire demi-tour.
Dans le premier, on chemine avec une mère et son
garçon dans un monde grisâtre d’âmes mortes, séparé de l’Ancien par un Mur
Frontière. Seuls y survivent ceux qui se soumettent à un mystérieux Programme
dont on comprend rapidement qu’il vise à annihiler tout sentiment, éprouvé ou
exprimé. Jeb, le jeune garçon arrive à l’âge où l’attendent des tests au cours
desquels il devra prouver qu’il est apte à recevoir l’injection qui l’intégrera
définitivement dans ce Nouveau Monde. Au seuil de cette épreuve, quelque chose
en lui se rebelle instinctivement mais sa mère, Niline, qui semble déjà sous
l’emprise totale du Programme, ne peut ni ne veut entendre ses doutes et ses
angoisses.
Dans le second tunnel, Aude débarque dans un lycée parisien
d’excellence où elle se retrouve immédiatement en butte au harcèlement des
autres élèves. Les choses semblent pourtant s’améliorer quand elle se met à
rencontrer en cachette un surveillant qui la comprend et la soutient et dont
elle tombe évidemment amoureuse. Pourtant, dans chaque tunnel, la situation ne va
faire qu’aller en empirant. Lorsque les deux conduits parallèles se rejoignent
et se raccordent, ce sont deux bulles étouffantes qui explosent au nez du
lecteur, qui comprend alors qu’elles n’en faisaient qu’une.
On
ne prescrira pas cette lecture en fin de soirée à un ado déprimé. Mais les
amateurs de dystopies ou de romans noirs
apprécieront sa force narrative. Je le rangerais volontiers, aussi, dans les
contes d’avertissement à l’usage des jeunes filles trop naïves pour résister
aux pervers narcissiques et aux gourous de tout poil.
Pour écouter cette chronique sur RCF Loiret (et un extrait lu à 2:25) :
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