vendredi 17 novembre 2017

Naissance des cœurs de pierre


Une insidieuse descente aux enfers. Jusqu'où ?


Ne vous fiez pas à la splendide couverture de ce livre : une silhouette androgyne, vue de dos, semble prête à émerger dans la lumière, au sortir d’un couloir à la froide géométrie… Eh bien non, noir c’est noir. Naissance des cœurs de pierre, le nouveau livre d’Antoine Dole est une lecture sombre, oppressante, poisseuse, qu’il est pourtant difficile de lâcher une fois entamée. Avec une habileté machiavélique, l’auteur place son lecteur dans deux tunnels narratifs, en alternance, sans connexion ni communication apparente et sans qu’il soit possible d’y faire demi-tour. 

Dans le premier, on chemine avec une mère et son garçon dans un monde grisâtre d’âmes mortes, séparé de l’Ancien par un Mur Frontière. Seuls y survivent ceux qui se soumettent à un mystérieux Programme dont on comprend rapidement qu’il vise à annihiler tout sentiment, éprouvé ou exprimé. Jeb, le jeune garçon arrive à l’âge où l’attendent des tests au cours desquels il devra prouver qu’il est apte à recevoir l’injection qui l’intégrera définitivement dans ce Nouveau Monde. Au seuil de cette épreuve, quelque chose en lui se rebelle instinctivement mais sa mère, Niline, qui semble déjà sous l’emprise totale du Programme, ne peut ni ne veut entendre ses doutes et ses angoisses. 

Dans le second tunnel, Aude débarque dans un lycée parisien d’excellence où elle se retrouve immédiatement en butte au harcèlement des autres élèves. Les choses semblent pourtant s’améliorer quand elle se met à rencontrer en cachette un surveillant qui la comprend et la soutient et dont elle tombe évidemment amoureuse. Pourtant, dans chaque tunnel, la situation ne va faire qu’aller en empirant. Lorsque les deux conduits parallèles se rejoignent et se raccordent, ce sont deux bulles étouffantes qui explosent au nez du lecteur, qui comprend alors qu’elles n’en faisaient qu’une.


On ne prescrira pas cette lecture en fin de soirée à un ado déprimé. Mais les amateurs de dystopies ou  de romans noirs apprécieront sa force narrative. Je le rangerais volontiers, aussi, dans les contes d’avertissement à l’usage des jeunes filles trop naïves pour résister aux pervers narcissiques et aux gourous de tout poil.

Pour écouter cette chronique sur RCF Loiret (et un extrait lu à 2:25) :




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