A moins
d’être bibliothécaire, peut-on encore rêver aujourd’hui sur le mot
« catalogue », comme Colette le fit jadis sur le mot
« presbytère » ? Je sais qu’enfant, dès que j’arrivais en
vacances chez ma grand-mère, l’un de mes grands plaisirs était de dénicher sa
collection de catalogues Manufrance et de m’y replonger. J’y trouvais la
diversité des objets d’une société de consommation naissante, dans une
profusion ordonnée qui devait tout à la fois stimuler et rassurer mon
imagination. Le monde entier à portée de main, dans un seul livre, au cœur de
la campagne charentaise ! L’aventure de « Manufrance » qui avait
duré un siècle s’acheva dans les années 80. Les catalogues disparurent eux
aussi, progressivement avalés par le monstre numérique : les GAFA et leurs
moteurs de recherche ne sont pas payés pour nous faire rêver.
L’ écrivain
italien Davide Morosinotto, lui, a décidé d’opérer un long voyage dans le temps
et dans l’espace, comme pour ressusciter la fascination que Manufrance exerça
sur moi. Il nous transporte pour cela dans la Louisiane du début du siècle
dernier, en 1904. Dès qu’ils peuvent échapper aux adultes, quatre gamins se
retrouvent dans leur Refuge, une cabane construite dans le bayou et connue
d’eux seuls. Ils viennent aussi de se tailler un canoé dans un cyprès. En
pêchant, ils trouvent 3 dollars dans une boîte de conserve, somme inespérée
pour eux. Peter, dit P’tit Trois, feuilletant en cachette Le célèbre catalogue Walker & Dawn, lecture de chevet
quotidienne de sa mère, décide d’acheter un revolver et convainc ses amis. Malheureusement
pour eux, mais heureusement pour l’histoire qui va s’amorcer, ce n’est pas le
revolver convoité qu’ils reçoivent, mais une vieille montre à gousset, cassée
de surcroît.
L’arrivée à
cheval d’un certain Jack, qui semble rechercher l’objet envoyé par erreur comme
s’il avait une valeur particulière, va décider la petite bande à porter sa
réclamation jusqu’à Chicago, siège de la maison-mère, à l’autre bout de
l’Amérique, donc. On ne dira pas ici quelle affreuse circonstance débarrasse fort
à propos nos amis de l’encombrant Jack. Toujours est-il que P’tit Trois, Eddie,
Julie et son petit frère Min embarquent sur leur pirogue, sans douter de rien
et sans prévenir personne, remontant le delta du Mississipi, direction La Nouvelle
Orléans. Et après ? Après, on verra bien !
L’auteur
confie la narration à ses quatre aventuriers à tour de rôle. Bien sûr, les embûches vont se
multiplier sur leur route, fluviale et ferrée et les péripéties constituent l’essentiel
du roman. On croit à plusieurs reprises que leur odyssée va être stoppée net
mais quelque circonstance favorable vient toujours les tirer d’affaire et les
renforcer dans l’idée que la fortune sourit aux audacieux et que c’est à
Chicago qu’elle les attend.
Davide
Morosinotto s’est visiblement amusé à reconstituer les décors d’époque et
l’esprit d’une Amérique grouillante et maligne, prête à tout, peuplée de
personnages dignes de Mark Twain. Il nous livre un roman d’aventures à l’image
de ce pays où l’important pour chacun est avant tout de devenir riche. Les plus
jeunes se laisseront prendre par les voix juvéniles des quatre échappé·e·s du
bayou. La présentation de ce gros livre, abondamment illustré de cartes,
d’images et de coupures de journaux anciens, est intrigante. Il se lira
facilement, dès 8-10 ans.
Écouter cette chronique (extrait lu à 3:05) :
Le célèbre catalogue Walker &
Dawn – Davide
Morosinotto – traduit de l’italien par Marc Lesage – l’école des loisirs (424
pages, 18 €)
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