Quand Camille et Julien se sont rencontrés, ils n’étaient pas seuls : Camille avait déjà deux préados, Clément et Louise, d’un ex, Antoine toujours fauché et en retard sur la pension alimentaire ; Julien, lui, avait trois plus petits à charge, Léon, Agathe et Rose, leur mère Virginie ayant préféré Flo, une compagne qui avait eu un petit garçon, Achille.
Pascale Bougeault, cette aquarelliste sensible qui a publié de nombreux albums à l’école des loisirs, de superbes carnets de voyage et qu’on a pu découvrir ici notamment dans Maman a tué le chef des pamplemousses et De quelle couleur es-tu ?, s’est lancée, avec La famille puzzle, dans le roman graphique, décrivant et illustrant les aventures en noir et blanc d’une famille recomposée. Comment 3 plus 4 vont-ils pouvoir faire 7 et au final, si tout va bien, UNE famille ? N’est-ce pas une gageure ?
Il faut commencer par le commencement. D’abord informer les enfants : « J’ai rencontré quelqu’un ». Puis organiser un pique-nique où pour la première fois les cinq enfants vont se voir, se jauger, se juger, comparer le nouveau compagnon de maman à leur père, découvrir cette femme qui ne sera jamais leur vraie mère.
Les enfants s’observent, jaugent ce couple, son évolution, participent à l’assemblage de ce puzzle que nul n’a dessiné pour eux, en mêlant leur expériences, en s’ajustant aux manies des uns et des autres, à coups de disputes et de concessions mutuelles, dûment négociées. Bientôt deux maisons ne vont plus faire qu’une, supprimant les harassants déménagements hebdomadaires, simplifiant la vie, même si les ex ont encore leur mot à dire.
Pascale Bougeault croque en quelques épisodes Camille et Julien se livrant au concours du meilleur parent, essayant chacun de faire prévaloir ses propres règles de vie au fil de petites saynètes de la vie quotidienne dessinées souplement au feutre pinceau, en noir et blanc, se réconciliant parfois sur le dos de leurs ex-conjoints. Ce troisième couple reste sous surveillance : les enfants guettent et redoutent le retour des conflits qui ont dissous les deux précédents, ceux qui les ont vu naître. Ce sont d'ailleurs les cinq, coalisés, qui vont siffler la fin du match : « Oh ça suffit les parents ! Y en marre de vos disputes ! »
L’autrice-illustratrice tend aux familles recomposées un miroir tendre où les drames domestiques se dégonflent comme des baudruches, parce que c’est quand même moins fatiguant de s’aimer que de se chamailler, l’un n’excluant pas l’autre. Et le puzzle se fabrique sous nos yeux. Au final, manquera-t-il une pièce ?
Écoutez cette chronique ("lecture" d'un extrait à 02:39) :
La famille puzzle – Petite chronique d’une famille recomposée – Pascale Bougeault – Rue de l’Échiquier jeunesse (110 pages, 15 €) Paru le 17 septembre 2020.
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