vendredi 19 février 2021

Soleil jusqu'à la fin




Pour faire un bon récit d’apprentissage, on connaît la recette : prendre un enfant avec de fortes capacités de résilience, supprimer père et mère dès les premières pages – les pères c’est facile, le boulot est déjà fait, en général, ils sont partis depuis longtemps - et lancer le gamin ou la gamine dans la vie sans autre forme d’avertissement. L’aventure peut commencer.

Mélanie Georgelin s’est souvenu visiblement de ces ingrédients en écrivant Soleil jusqu’à la fin. Bien sûr, on ne peut pas tuer tout le monde au départ, il y a toujours un proche parent qui traîne dans les parages. Pour Amaya, qui est restée prostrée huit jours à côté de sa mère morte jusqu’à ce que les policiers la trouvent, il y a Tante Theresa. Mais Tante Theresa va s’avérer être un plan B foireux. Elle est gentille mais trop encombrée d’elle-même et de ses cinq fils pour s’occuper d’Amaya. Page 17, Tante Theresa dépose donc Amaya sur le trottoir d’une MECS qui a bien voulu prendre en charge sa nièce. Bienvenue aux Coucous. L’aventure peut re-commencer, après ce faux départ nécessaire.

Amaya n’arrive pas seule aux Coucous. Elle traîne derrière elle sa fidèle Soledad, une poupée de chiffon assez bavarde, alter ego d’Amaya, qui la réconforte ou l’engueule selon le moment et l’humeur. Mais me direz-vous, qu’est-ce qu’une MECS ? MECS,  c’est l’acronyme de Maison d’enfant à caractère spécial, destinée à l’accueil temporaire des mineurs en difficultés. Et on peut considérer qu’Amaya, orpheline de fraiche date, après avoir tenté sa tante, est effectivement sérieusement en difficulté et relève des Coucous. C’est un vieux type tout racorni – c’est Amaya qui parle – qui l’accueille : Cactus. Cactus se rend compte tout de suite que ça ne va pas être facile avec Amaya. Mais il en a vu d’autres, et pour l’heure, il a déjà Tom, qui a passé des années dans un lit à barreaux avant qu’on s’aperçoive qu’il était devenu un peu grand, Pepito, bébé secoué par son père qui s’est retrouvé dans un fauteuil roulant et qui marche à l’oxygène, Djibril, 16 ans et toutes ses dents mais il ne sait pas comment il a réussi à les conserver, Svetlana prostituée à 14 ans, Danaé violée par son père et filmée par sa mère, Ruby née de père inconnu et de mère toxico, etc.… Donc, oui, Amaya, un peu rugueuse de prime abord, n’impressionne pas Cactus. Et Amaya va trouver sa place, aidée par Soledad qui ne la quitte pas d’une semelle et n’a pas non plus sa langue dans sa poche. Tout va bien, d’autant qu’il y a Billie, la plus chouette éducatrice de la Terre. Tout va bien jusqu’au jour où tout va mal, très mal, à un point qu’on ne racontera pas ici.

Le roman bascule alors et change d’horizon. Amaya est exfiltrée des Coucous, direction la montagne, chez Pierre et Madeleine, un vieux couple sans enfants mais rompu à l’accueil de ceux qu’on dit difficiles. Vont-ils réussir à apprivoiser Amaya et l’aider à se reconstruire après le nouveau drame des Coucous ? C’est l’enjeu de la deuxième partie du roman de Mélanie Georgelin. On suit avec attendrissement les efforts de Madeleine et surtout de Pierrot, moins à l’aise avec cette fille qui semble le rejeter. Heureusement, le titre ne ment pas : c’est soleil jusqu’à la fin, même si Amaya devra quitter ceux qu'elle aurait bien adoptés, au final.

Racontant l’histoire d’Amaya du point de vue de la jeune fille, lui prêtant souvent sa voix, presque trop parfois, Mélanie Georgelin dresse le tableau tantôt pathétique tantôt rassérénant d’une enfance en danger perpétuel qui grandit malgré tout. Pour une Amaya qui va s’en sortir, combien resteront à la porte de la vie ? La réponse est entre les mains de tous ces Cactus et de toutes ces Billie, de tous ces Pierrot et ces Madeleine qui œuvrent tous les jours en silence à l’accueil et à l’éducation des enfants meurtris mais toujours en vie.

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 03:52) :


Soleil jusqu’à la fin – Mélanie Georgelin – Sarbacane – 2021 (277 pages – 16 €)


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