vendredi 4 juin 2021

La capucine



Avec La capucine, son dernier roman paru, Marie Desplechin a remis sur le métier le portrait d’une époque qu’elle affectionne particulièrement : la fin du XIXe siècle français, à travers le personnage de Louise, une jeune fille de 13 ans qui travaille –durement – parmi les maraîchers de Bobigny, terre humide et fertile qui alimente « le ventre de Paris », immortalisé par Émile Zola.

L’autrice nous avait déjà donné Lucie, dans Satin grenadine puis Séraphine dans le livre éponyme. Pour ce troisième opus, elle nous offre encore un beau portrait d’adolescente, même si en 1885, l’adolescence n’existe guère : pour les filles de ce siècle finissant, l’enfance semble basculer directement dans l’âge adulte.

Comment Louise a atterri au milieu des champs de salades, de choux et de carottes de ce qu’on n’appelle pas encore la banlieue parisienne est conté en quelques pages. Placée à 11 ans chez un maraîcher qui l’exploite sans vergogne, elle se prend de passion pour ce métier. La nature l’a dotée heureusement d’une solide constitution et les hasards de la vie d’un génie tutélaire, Bernadette, la reine du confit. Bernadette se prend aussi pour la réincarnation de Victor Hugo et va se faire une réputation usurpée de médium chez les bourgeois, où elle a réussi à placer Clémence, la mère de Louise.

Chaque matin, avant l’aube, il faut charger de légumes le tombereau, qui, tiré par Bonasson, un vieux cheval qui connaît la route par cœur, va emmener le maître somnolent jusqu’aux Halles, à dix kilomètres de là, dans ce cœur où tout Paris vient trouver de quoi se nourrir. Gaston qui est veuf, a un fils, Albert, qui est un bon à rien doublé d’un fainéant. Il va vite se rendre compte que Louise est une travailleuse infatigable, qui aime son métier et le fait bien. Au fond, s’il arrivait à la marier à son drôle, cela ferait bien son affaire, au final.

Mais c’est sans compter avec le caractère de Louise, métisse à la crinière indomptable qu’Albert a surnommée la Scarole. Lassée par les brimades du fils et les exigences du père, Louise va fuguer pour retrouver sa mère chez les d’Argenton où celle-ci est domestique, au risque de se perdre dans Paris, elle qui ne connaît que le chemin qui la mène aux Halles.

Marie Desplechin nous plonge dans un monde effervescent où tout est en train de s’inventer : le socialisme, le féminisme et où l’on chante Dansons la capucine sur l’air de la Carmagnole révolutionnaire. Ses personnages vivent intensément dans cette époque où tout se transforme et s’accélère, et qui ressemble, par bien des aspects, à la nôtre. Le courage en plus.

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 02:50) :

La capucine (Les filles du siècle) – Marie Desplechin – l’école des loisirs – 2020 (220 pages, 15 €)


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