lundi 7 février 2022

Terre promise



     En 2019, Marion Brunet nous avait donné Sans foi ni loi, un western qui invitait le genre en littérature jeunesse chez l’éditeur Pocket Jeunesse. En 2021, c’est Philippe Arnaud qui s’attaque à l’Amérique des années 1870, celle qui n’est pas encore tout à fait remise de ce que nous nommons la guerre de Sécession et que les Américains appellent la Civil war, la guerre civile.

Philippe Arnaud, nous le connaissons. En 2019, il avait publié La proie, un récit d’esclavage moderne entre Cameroun et France. Cette fois, avec son nouveau roman Terre promise, paru chez Sarbacane, il nous dépayse au Kansas, dans un trou paumé et bien mal-nommé, New Hope, « nouvel espoir ».

Quand Jim Lockheart y débarque sur son cheval Stormy, il se fait désarmer d’entrée de jeu par le shérif du lieu, auquel – c’est la règle locale - tous les visiteurs doivent confier leur arme, le temps de leur visite. Jim y consent bon gré mal gré, sauf qu’il s’aperçoit que celui qui vient de le désarmer est … une femme. Une femme shérif ! On aura tout vu chez les Yankees.

Son cœur de jeune confédéré Sudiste, légèrement sexiste, s’en indigne mais un deuxième choc culturel l’attend au bar, quand il découvre que celui-ci est tenu par un Noir, Louis. Car Jim est également raciste. D’ailleurs, s’il est là, c’est qu’il poursuit depuis sa Géorgie natale un ancien esclave de la plantation de son père, pour une raison que l’on découvrira au fil des pages.

Pour l’heure, la belle Ellen, shérif teigneuse et bonne gâchette, et Louis le barman débonnaire s’interrogent sur les motivations de ce nouveau venu qui n’imagine pas que sa haine et son mépris puissent être percés à jour par cette petite blonde et ce gros Noir. Jim sent que sa traque touche à son terme, mais prend un boulot qui lui sert de couverture pour éviter les questions de « la » shérif.

Peu à peu, à coups de retour en arrière – d’analepses dit-on quand on veut éviter l’anglais flashback - Philippe Arnaud nous éclaire sur le passé de Jim, d’Ellen et de Louis. Leurs portraits s'affinent et s'affirment. Les trois personnages principaux se fréquentent, se jaugent mutuellement, et un courant de sympathie, pour lui contre nature, entraîne irrésistiblement Jim vers cette femme et vers Louis, tandis qu’il garde encore le secret de sa quête mortifère : un désir de vengeance qui le ravage intérieurement.

De ce cœur verrouillé à double tour, Ellen et Louis vont trouver les clés. Juste à temps pour faire face ensemble à l’arrivée d’un chasseur de primes féroce et sadique, surnommé Wild Blood, un écorcheur qui sème la terreur partout où il passe et qui recherche le même homme que Jim.

C’est cet ultime combat qui va permettre à Jim de choisir entre les démons de son passé et ce dont il n’osait plus rêver depuis longtemps : un chemin possible vers une terre promise, celle d’une nouvelle alliance, et, qui sait, d’un amour.

Terre promise tient ses promesses. Philippe Arnaud nous emmène dans un Ouest qui n’a rien de terne et où tous les problèmes contemporains des États-Unis ont leurs causes et leurs racines. Il y a même quelques Indiens dans le décor. Et en dehors de l’affreux de la fin qui fait tourner le roman en thriller, tous les personnages s'avèrent être aussi complexes qu'attachants.

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 03:27) :


Terre promise de Philippe Arnaud est publié chez Sarbacane dans la collection jeune adulte Exprim X’ (297 pages, 17 €)



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