Ce livre pourrait commencer par une des plus célèbres chansons d’Antonio Carlos Jobim : Desafinado. Sur un rythme syncopé de bossa nova, vous entendez d’abord la voix doucement alanguie et entêtante de João Gilberto, avant que le saxophone de Stan Getz n’emplisse vos oreilles du son plein, cuivré et chaud du Brésil qui danse en rêvant.
Desafinado, c’est la chanson que Zoé apprend à jouer au ukulélé. Desafinado, c’est « désaccordé » et justement Zoé se sent désaccordée ces temps-ci. C’est sa vie qui sonne faux, tiraillée entre tête et cœur, corps et âme, famille et amis, profs et parents.
Depuis que sa maman est morte, il manque une corde à Zoé. Et puis avec un père professeur de ukulélé qui déménage sans cesse, Zoé n’arrête pas de se faire des amis et de les perdre, de défaire et refaire sa vie en faisant et défaisant ses valises. Mais cette fois, son père va peut-être trouver un poste plus stable, dans un conservatoire, et Zoé va pouvoir se poser. Enfin.
Alors, une nouvelle fois, elle se lance et le hasard de la rentrée la place à côté d’une fille aux cheveux rasés, qui lui fait penser à une chanteuse irlandaise des années 80, Sinéad O’Connor. Gloria lui révèle vite les raisons de son apparence : elle suit une chimio. Zoé et Gloria sont accordées avant même de se connaître.
Dans les couloirs, Zoé a croisé un garçon qui lui a lancé sans raison un « toi, je t’aime pas », en guise de mot d’accueil. Et qui traite ouvertement Gloria de « galeuse ». Ugo est le rebelle du collège. Pathétique. Sans doute désaccordé lui aussi. Zoé va s’efforcer de l’éviter, aussi longtemps qu’il lui sera possible.
Une orpheline en duo avec son père, une copine qui se bat contre un cancer, et un garçon en colère contre la terre entière : Anne Cortey a réuni dans son roman Les désaccordés les ingrédients classiques d’un roman d’adolescents dont elle découpe et entrelace avec délicatesse les dialogues et les tranches de vie, collège, famille, amitié, premiers sentiments amoureux. C’est une musique déjà entendue mais qu’on a plaisir à se repasser, comme une chanson de Jobim. L’autrice insère dans son récit des confessions de ses trois héros, qui font entrevoir sous les masques les raisons et la vérité de chacun. Les désaccordés est enfin un beau livre, sous sa couverture pelliculée à rabats, décorée par Cyril Pedrosa, auquel l’éditeur a demandé deux autres doubles pages, deux cadeaux qui surgissent au cœur de la lecture.
Pour écouter cette chronique ( extrait lu à 02:35):
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