vendredi 10 février 2023

Sillage



 À quoi rêve Jade, Bretonne débarquée à Paris  à 19 ans ? Travailler en parfumerie. C’est sa Mamie qui l’a initiée toute petite en lui permettant un jour de dévisser sa collection de mini-flacons soigneusement rangée. Plus grande, Jade s’est essayée à fabriquer un « jus » de chèvrefeuille, sans grand succès. Puis les odeurs se sont emparées d’elle, celles des corps, celles que les cheveux emprisonnent. Plus tard, au lycée, elle a découvert comment des parfums étaient devenus la marque d’hommes, de femmes, d’époques. De la chimie à la sociologie en passant par l’alchimie, odeurs et parfums sont devenus la grande affaire de Jade, sa passion. Arrivant dans la capitale, elle trouve une place dans une chaîne de parfumeries, où elle va apprendre très vite à guider ses clientes – et clients – vers la fragrance qui leur va, égrenant les « notes » qui la composent.

Puis un soir à la fermeture, un client se glisse et demande Sybille, la collègue de Jade. Ils filent tous les deux à une soirée. Ils invitent Jade à les suivre. Le garçon s’appelle Victor et il a frôlé Jade entre deux rayons, Jade terrassée « par son délice lacté, effluves d’épiderme pur, similaires à de l’amande, avec une bruine de talc ». On peut tomber amoureuse d’une odeur ? Commence une histoire d’amour compliquée pour Jade, qui ne va pas l’empêcher de faire, en parallèle, une rencontre autrement décisive : celle de Zacharie Mignard, un des plus grands parfumeurs de la place de Paris. Jade le reçoit dans sa boutique comme un client lambda – elle ne l’a pas reconnu - et entame avec lui une conversation qu’elle n’aurait jamais osé avoir, dans ses rêves les plus fous…

Sillage, le nouveau roman de Joanne Richoux – de la même autrice, je vous ai déjà présenté ici PLS, T’as vrillé et Virgile et Bloom - nous plonge dans un monde d’odeurs sui generis et de parfums sophistiqués. Richoux nous tire par le bout du nez dans son piano noir de notes de plus en plus sombres. Sillage, c’est la traînée que nous laissons derrière nous, qui signe notre présence et notre identité. Et c’est le voile que nous portons, ou pas, pour les cacher, emprunté aux parfumeurs et aux plus grands noms de la Haute couture. Sillage, c’est enfin le nom du parfum que Jade s’apprête à créer. Mais que se passe-t-il ? Est-ce que Jade ne plaisantait pas lorsqu’elle a lâché à Zacharie Mignard qu’elle était « d’humeur à tuer » ? Et d’où vient cette rumeur qui se glisse dans le récit, vénéneuse comme un poison mortel ?

Joanne Richoux ne nous livre pas toutes les clés de son héroïne. Au contraire les failles qu’elle laisse entrevoir enveloppent Jade d’un mystère croissant. Elle vrille, elle aussi, et entame une glissade non contrôlée. Au final, Jade résiste à l’emprise de toute lecture. Un portrait sans temps mort, tendu et troublant comme un parfum non identifié. Pour grands ados et jeunes adultes.

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 02:58) :


Sillage Joanne Richoux - PKJ - (276 pages, 14,90 €)


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