Actes Sud junior publie dans sa collection intitulée d’une seule voix des textes courts et souvent abrupts qui font entendre les éclats de l’adolescence. Je vous ai présenté ainsi naguère Rattrapage, de Vincent Mondiot.
Cette semaine, c’est Joanne Richoux, qu’on avait appréciée dans PLS. Cette fois-ci, elle se glisse dans la peau de Danaël, un garçon de 17 ans sur lequel semble s’être abattu un hiver d’ennui perpétuel. Et puis un beau jour, comme il y en a parfois même dans les périodes sombres, il s’assoit en colle à côté d’une certaine Florine, la gothique de Terminale, qui lui tend un de ses écouteurs et l’accroche avec Polly, une chanson de Nirvana. Jusqu’ici, Danaël s’était tenu éloigné de Florine. Il se méfiait de ce truc sombre, fringué comme l’élu de Matrix et qui, en plus, se scarifiait. Il la regardait de loin, comme les autres. Mais après l’épisode Nirvana, quelque chose se trame entre eux deux. Du moins s’invente dans la tête de Danaël, qui brode et s’emballe sur quelques petits signaux que semble lui envoyer Florine. Elle devient sa « meuf secrète », secret qu’il n’a pas envie de partager, surtout pas avec ses parents, surpris et soulagés de voir que leur fils sorte enfin avec une fille. C’est la première fois et donc il va y avoir une première fois. Danaël égare son pucelage entre les jambes de Florine qui y perd sa virginité. Danaël poursuit son itinéraire solitaire et son invention amoureuse qui s’écarte peu à peu de Florine, à moins que ce ne soit elle qui peine à suivre les méandres intimes de ce garçon. « T’es un peu perché » finit-elle par lui lancer un jour. Danaël ne comprend pas trop ce que veut dire Florine. Juste que ce n’est pas tout à fait un compliment. Que l’attachement qu’il éprouve n’est pas partagé. « Qu’il n’y a rien entre eux » selon Florine. Danaël tombe de haut. « T’as vrillé » réplique-t-il à Florine, mais c’est lui qui va vriller.
Si cette histoire d’amours débutantes semble banale et a été racontée dix mille fois, c’est évidemment l’écriture de Joanne Richoux qui fait tout l’intérêt de ce court récit d’apprentissages et de malentendus croisés. « Perché », « vrillé », les mots claquent dans des phrases courtes, tantôt rap tantôt poésie avec quelques paliers où la lecture reprend son souffle pour repartir de plus belle dans la tête solitaire de Danaël, brûlée par ses premiers sentiments, ses premières émotions, jusqu’à l’aveuglement. Car on reste dans cette tête d’ado, dans ce monologue intérieur, et on assiste impuissant et incrédule à la dérive possessive et violente de Danaël sur Florine, à la hainamoration croissante d’un garçon pour une fille, dérive sur laquelle aucune instance extérieure ne vient poser un arrêt ou un jugement. « Je te déteste, Florine » est la dernière réplique du livre.
Pour écouter cette chronique (extrait lu à 02:59) :
T’as vrillé – Joanne Richoux – Actes Sud junior, collection une seule voix – 2021 (51 pages, 9,80 €).
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