Dans le
guide somptueusement illustré qu’il a consacré à la science-fiction, l’écrivain Lorris Murail
définit celle-ci d’un mot : c’est un « détour ». La SF fait le
« pari, écrit-il, qu’il est possible d’en apprendre davantage sur
nous-mêmes en élargissant le champ de l’espace, intérieur ou extérieur, et
celui du temps, vers le passé ou le futur. Tenter de décrire une race
extraterrestre revient forcément à nous interroger sur ce que nous sommes ou ne
sommes pas. Imaginer le futur ou - [dans ce qu’on appelle une uchronie] - un
passé alternatif, conduit à juger le présent. » Fin de la citation. C’est
une littérature parfois lourde, angoissante qui nous emporte fort loin de notre
quotidien et beaucoup de lecteurs répugnent à faire le fameux
« détour » par quoi Lorris Murail la caractérise. C’est qu’elle a
parfois aussi valeur de conte d’avertissement, en décrivant un futur fondé sur
les dérives déjà perceptibles de notre société.
Au jeu de
« si on continue comme ça, que pourrait-il nous arriver ? »,
David Moitet vient de publier New Earth
Project. « En 2125, le réchauffement climatique et la montée des eaux
mettent le monde en péril. Une seule alternative : New Earth Project, le
voyage vers une nouvelle terre habitable. » Les deux premières phrases de la 4ème
de couverture du livre inscrivent d’emblée son livre dans ce genre littéraire bien
particulier qu’est la « SF », à partir de deux de ses ingrédients
classiques : le futur et l’espace, projetant résolument dans l’avenir les
conséquences de la situation climatique avec laquelle notre planète se débat
dès aujourd’hui.
L’histoire
se passe à New-York, dans une société qui s’est durement clivée entre une caste
de très riches qui vivent luxueusement sous des dômes, à l’abri de la pollution
et des intempéries et la masse des pauvres qui se débat dans une ville
déglinguée, devenue une sorte de Venise de béton miséreuse, battue par les
tempêtes. Pour ces derniers, le seul espoir est d’être tirés au sort pour être
envoyés sur une nouvelle planète. C’est un mystérieux milliardaire, Parker, qui
a mis au point ce programme et le vaisseau gigantesque qui transporte ces
nouveaux pionniers par centaines de milliers à chaque voyage.
Orion, le
fils de Parker, étudie dans une école qui accueille aussi les meilleurs élèves
dûment repérés et sélectionnés dans les bas-fonds de New-York, qu’on nomme les
« Gris ». Ceux qu’on appelle les Intouchables côtoient donc les Gris,
non sans tension. Isis est l’une de ces « Grises » et vous devinez
déjà que les deux adolescents que tout sépare ne vont pas être indifférents
l’un à l’autre…
David Moitet
brosse le tableau d’une société puissamment inégalitaire, où la police est
assurée par une armée de robots impitoyables. La paix civile est achetée par le
New Earth Project et l’espoir qu’il entretient, parmi les volontaires qui s’y
inscrivent, d’être un jour prochain tiré au sort. C’est l’horizon d’une vie
meilleure entretenu par une sorte de loto. Quant aux jeunes pauvres comme Isis
qui ont la chance d’être bien doués, ils ont la perspective de pouvoir tirer un
jour leur famille de la misère en accédant aux écoles qui font ainsi miroiter
une forme de mixité sociale.
Evidemment,
derrière les apparences de cet ordre social, se cache autre chose. En
découvrant leurs univers respectifs, en apprenant à ce connaître, Orion et Isis
vont faire tomber ces apparences et découvrir la plus effrayante des réalités.
Je vous laisse, chers lectrices et lecteurs, la primeur de cette découverte…
New Earth Project - David Moitet - Didier Jeunesse (218 pages, 15 €)
En podcast sur RCF Loiret (écoutez un extrait à 3:33)
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