vendredi 24 mars 2017

New Earth Project


Dans le guide somptueusement illustré qu’il a consacré à la science-fiction, l’écrivain Lorris Murail définit celle-ci d’un mot : c’est un « détour ». La SF fait le « pari, écrit-il, qu’il est possible d’en apprendre davantage sur nous-mêmes en élargissant le champ de l’espace, intérieur ou extérieur, et celui du temps, vers le passé ou le futur. Tenter de décrire une race extraterrestre revient forcément à nous interroger sur ce que nous sommes ou ne sommes pas. Imaginer le futur ou - [dans ce qu’on appelle une uchronie] - un passé alternatif, conduit à juger le présent. » Fin de la citation. C’est une littérature parfois lourde, angoissante qui nous emporte fort loin de notre quotidien et beaucoup de lecteurs répugnent à faire le fameux « détour » par quoi Lorris Murail la caractérise. C’est qu’elle a parfois aussi valeur de conte d’avertissement, en décrivant un futur fondé sur les dérives déjà perceptibles de notre société.

Au jeu de « si on continue comme ça, que pourrait-il nous arriver ? », David Moitet vient de publier New Earth Project. « En 2125, le réchauffement climatique et la montée des eaux mettent le monde en péril. Une seule alternative : New Earth Project, le voyage vers une nouvelle terre habitable. »  Les deux premières phrases de la 4ème de couverture du livre inscrivent d’emblée son livre dans ce genre littéraire bien particulier qu’est la « SF », à partir de deux de ses ingrédients classiques : le futur et l’espace, projetant résolument dans l’avenir les conséquences de la situation climatique avec laquelle notre planète se débat dès aujourd’hui.

L’histoire se passe à New-York, dans une société qui s’est durement clivée entre une caste de très riches qui vivent luxueusement sous des dômes, à l’abri de la pollution et des intempéries et la masse des pauvres qui se débat dans une ville déglinguée, devenue une sorte de Venise de béton miséreuse, battue par les tempêtes. Pour ces derniers, le seul espoir est d’être tirés au sort pour être envoyés sur une nouvelle planète. C’est un mystérieux milliardaire, Parker, qui a mis au point ce programme et le vaisseau gigantesque qui transporte ces nouveaux pionniers par centaines de milliers à chaque voyage.

Orion, le fils de Parker, étudie dans une école qui accueille aussi les meilleurs élèves dûment repérés et sélectionnés dans les bas-fonds de New-York, qu’on nomme les « Gris ». Ceux qu’on appelle les Intouchables côtoient donc les Gris, non sans tension. Isis est l’une de ces « Grises » et vous devinez déjà que les deux adolescents que tout sépare ne vont pas être indifférents l’un à l’autre…

David Moitet brosse le tableau d’une société puissamment inégalitaire, où la police est assurée par une armée de robots impitoyables. La paix civile est achetée par le New Earth Project et l’espoir qu’il entretient, parmi les volontaires qui s’y inscrivent, d’être un jour prochain tiré au sort. C’est l’horizon d’une vie meilleure entretenu par une sorte de loto. Quant aux jeunes pauvres comme Isis qui ont la chance d’être bien doués, ils ont la perspective de pouvoir tirer un jour leur famille de la misère en accédant aux écoles qui font ainsi miroiter une forme de mixité sociale.


Evidemment, derrière les apparences de cet ordre social, se cache autre chose. En découvrant leurs univers respectifs, en apprenant à ce connaître, Orion et Isis vont faire tomber ces apparences et découvrir la plus effrayante des réalités. Je vous laisse, chers lectrices et lecteurs, la primeur de cette découverte…

New Earth Project - David Moitet - Didier Jeunesse (218 pages, 15 €)

En podcast sur RCF Loiret (écoutez un extrait à 3:33)

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