vendredi 3 mai 2019

Droneboy



Depuis deux mois, la vie de Paul a changé. Désormais, quand il rentre du collège et que le car l’a déposé au pied du panneau signalant la maison forestière où il vit avec son père, il doit franchir une chicane de blocs de béton et montrer patte blanche à un « CRS caparaçonné comme une tortue ninja ».

Au collège aussi, les choses ont changé. Une fille  vient de débarquer, cheveux courts teints en violet, kilt écossais sur collants rose vif. Autant dire qu’elle ne passe pas inaperçue dans le paysage de cette petite ville de province où les jeans moulants et les cheveux longs constituent l’uniforme de la gent féminine.

Que se passe-t-il donc à Blagnac-sur-Vère, désormais sur le pied de guerre ? Un projet de barrage d’irrigation a suscité une ZAD, une « zone à défendre », et autour d’elle se développent  de multiples tensions. Les zadistes, mélange de doux rêveurs écolo et de militants purs et durs, campent dans la nature. Leur action a priori non violente est quelque peu polluée par des Blacks Blocks intermittents. L’ensemble, confronté à quelques jeunes paysans pro-barrage autoproclamés « PPB », joue au chat et à la souris avec une compagnie de CRS et quelques gendarmes chargés à terme de déloger de gré ou de force tout ce petit monde pour que le barrage se fasse.

Jusqu’ici, Paul ne pensait qu’à piloter son drone, car il compte bien participer et remporter une compétition régionale à laquelle il s’est inscrit. Les événements dans la forêt, l’arrivée de Manon dans sa vie, que ses potes Markus et Valentin remarquent avant lui, vont perturber ce programme un peu trop pépère.

Une nouvelle faune peuple les bois et Jacques Sauveur, le père de Paul va s’en apercevoir bientôt en rencontrant Sarah, une ex-sage-femme, naguère bourlingueuse dans l’humanitaire. Sarah vit présentement dans une caravane pour soigner les petits bobos des zadistes que son neveu a rejoints. C’est elle qui introduira un soir Jacques dans le cercle des jeunes contestataires dont il se tenait jusque là à distance, gardant la prudente réserve d’un fonctionnaire de la forêt. Jacques, séparé de Julie, la mère de Paul, n’est pas vraiment disposé à remettre le couvert. Pourtant, il ne va guère résister à Sarah et abandonner rapidement ses préjugés sur les rousses. Pendant que son fils, lui, sans le savoir,  est déjà tombé amoureux de Manon.

En trois périodes - avant la guerre, pendant la guerre et après la guerre - Hervé Jubert nous fait le récit de la vie et de la mort d’une ZAD, vu par les yeux de Paul et de Manon. Les deux adolescents sont encore trop jeunes pour s’engager, d’autant que Manon n’est autre que la fille d’un capitaine de gendarmerie venu en renfort à Blagnac ! Mais ils sont aux premières loges pour assister aux affrontements qui se déroulent dans la forêt, tantôt escarmouches, tantôt bataille rangée. Cela donne un roman documentaire, véritable initiation aux cercles du militantisme écologique et découverte du zadiste, qui est, comme l’écrit l’auteur, la « version trash et sur le terrain du lanceur d’alerte, cet autre héros des temps modernes ».

Dans un avertissement au lecteur, placé à la fin du livre, Hervé Jubert explique qu’il s’est fortement inspiré d’une situation réelle, la construction et la destruction de la ZAD de Sivens, près de Gaillac, qui furent on le sait marquées par la mort de Rémi Fraisse, un jeune militant qui reçut une grenade dans son sac à dos. Droneboy ne fait que frôler le drame. Pourtant, quand Paul et Manon se retrouvent tous les deux témoins de choses qu’ils n’auraient pas dû voir mais que le drone de Paul a filmées, ils vont passer un très vilain quart d’heure…

Écouter cette chronique (extrait lu à 3:30) :



Droneboy - Hervé Jubert - Syros - 2019 (246 pages, 16,95 €)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Francœur - À nous la vie d'artiste !

  Comment devient-on artiste ? Vous avez 12 ans et vous écrivez, tantôt des poèmes, tantôt ce que votre mère appelle « tes petits romans » ;...