vendredi 31 janvier 2020

Mon père des montagnes





Entre père et fils, un long silence s’est établi doucement. Lucas ne sait plus depuis quand. Rien d’hostile. Ils se sont éloignés, une fois révolus les jeux partagés de l’enfance, un point, c’est tout. Lucas a 16 ans. Alors quand Anna, la mère, propose un soir à ses deux hommes d’aller passer ensemble, sans elle, une semaine de vacances dans le chalet de montagne que le père a patiemment retapé, Lucas ne trépigne pas d’enthousiasme, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais à table, son père le laisse sans réplique possible : « Lucas, c’est comme ça. Et tu n’as rien à dire ».

Après un long voyage sans paroles, les écouteurs sur les oreilles, Lucas retrouve le chalet de son enfance, très rustique : pas d’eau courante, pas d’électricité et bien sûr pas d’Internet. Commence une longue semaine au cours de laquelle père et fils vont se réapprivoiser lentement.

Lucas, pas bricoleur pour un sou au contraire de son père, doit creuser une rigole pour canaliser les eaux de pluies : il manie la pioche comme un manche et attrape vite des ampoules aux mains et des courbatures au dos. Mais il fait ce que son père lui a demandé de faire. Autant s’occuper, pense-t-il.

Le contenu d’une boîte en fer rouillée va lui révéler tout un pan de la vie de son père qu’il ignorait. Doit-il lui avouer l’indiscrétion qu’il croit avoir commise en déchiffrant en cachette ces vieilles cartes postales venues d’Alaska, et en découvrant sur ces photos en noir et blanc son père à 20 ans ? Va-t-il réussir enfin à lui parler ? Et tiendra-t-il une semaine si rien n’advient ? Qui va faire le premier pas ?

Mon père des montagnes est un court roman à focalisation double. Lucas et son père livrent tour à tour leurs sentiments, leurs impressions face à cette situation inédite : leur face-à-face, leur côte à côte, leur cœur à cœur. Anna, la mère, n’est plus là pour faire tampon ou parler pour trois. Elle s’est mise en retrait volontairement.

Alors peu à peu Lucas, qui voulait grandir avec son père plutôt que grandir contre, va s’ouvrir et son père avec lui. Madeline Roth suit, attentive, ses deux personnages, sans rien forcer, dans une proximité respectueuse. La dédicace de son roman, « pour mon père et pour mon fils » dessine-t-elle en creux, entre les deux, ce présent-absent, ce « père des montagnes » qui, pour Lucas, revient de loin ?

Écouter cette chronique (extrait lu à 2:30) :



Mon père des montagnes – Madeline Roth – 2019 – Rouergue, collection doado (74 pages, 9 €)

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