vendredi 20 octobre 2023

Histoire de la fille qui ne voulait tuer personne

 



Fermez les yeux et imaginez. Nous sommes en 2069. Rouen est la capitale française de la Fédération européenne depuis que Paris a dû être abandonnée. Au début de ce que tout le monde nomme désormais la Décennie terrible, la fièvre de Marburg a décimé le monde, tuant 15 % de la population et provoquant une refondation politique de l’Europe ravagée par le virus. Ce monde nouveau n’est pas parfait. Il est même profondément inégalitaire car la Fédération a laissé tout une partie de la population à l’extérieur, dans une zone misérable baptisée le Dehors, où vivent aussi beaucoup d’opposants à la fédération, qu’on nomme les « zops ».

L’héroïne de l’histoire, Ada Veen, a 17 ans. C’est elle « la fille qui ne voulait tuer personne », dont Jérôme Leroy conte l’histoire. De cet auteur, je vous avais présenté ici une trilogie, Lou après tout, parue en 2019-2020, une dystopie dont on retrouve ici certains éléments d’ambiance et de décor. 

Ada Veen est une « fille de », en l’occurrence de Clara Klein-Veen, vice-gouverneur de l’État français. On apprend rapidement qu’un référendum d’initiative populaire a provoqué le rétablissement de la peine de mort, largement contre l’avis de son actuelle présidente, Agnès Cœur, compagne de la Refondatrice, Vigdis Mendoza. Ce rétablissement a toutefois été assorti d’une condition terrible : que ce soit non pas un bourreau professionnel qui l’applique, mais un citoyen tiré au sort dans le pays. Loterie monstrueuse et écrasante responsabilité que celle d’appuyer sur un bouton et d’assister en direct à la mort du condamné, retransmise par la télévision.

L’histoire commence réellement quand Ada Veen est tirée au sort à son tour et se rebelle, refusant d’appliquer la sentence de mort. Elle, la Pionnière jusqu’ici modèle qui faisait la morale à tout le monde, elle qui, à l’âge de cinq ans, a dénoncé aux autorités son propre père qu’elle avait surpris en train de fumer, comportement absolument prohibé, n'a d'autre choix que de s’enfuir pour échapper à son devoir de citoyenne. Dans sa fuite, sa toute-puissante mère ne va pas être la dernière à lui mettre des bâtons dans les roues, car ses ambitions politiques pourraient être contrariées si le comportement hors-la-loi de sa fille éclatait au grand jour.

Ada doit d’abord s’enfuir dans le Dehors et elle va pouvoir le faire avec la complicité de Jason, un garçon dont elle est tombée amoureuse en dépit de l’infirmité dont il est affligé de naissance : il n’a qu’un œil dans un visage difforme. Mais il lit du Nerval, écrit de la poésie et fréquente un groupe qui s’est baptisé du nom du poète, le Gang Nerval.

Le récit à deux voix de Jérôme Leroy est celui de cette fuite, dramatique, vers la République libertaire du Portugal, dernier îlot de liberté et siège de la Douceur, une utopie déjà évoquée dans Lou après tout. Au passage, Ada retrouvera Boris, son grand-père, sorte de médecin sans frontières qui s’est mis au service des gens du Dehors. Elle aura aussi par lui des nouvelles de son père, dont elle ne savait qu’elle avait été le sort, après qu’elle l’avait dénoncé 12 ans auparavant. Les deux adolescents parviendront-ils au terme de leur périple ? C’est tout l’enjeu du roman, conduit par Jérôme Leroy avec le sens du suspense dramatique qu’on lui connaît.

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 03:25) :


Histoire de la fille qui ne voulait tuer personne - Jérôme Leroy - 2023 - Syros (363 pages - 17,95 €)

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