vendredi 21 juin 2019

Juliette et Roméo



La Guyane a laissé une forte empreinte sur Yves-Marie Clément qui y fut enseignant pendant quelques années. Au point qu’il prend un plaisir visible à y transporter régulièrement ses lecteurs et lectrices. Je vous avais présenté fin 2017, du même auteur, Le Réveil de Zagapoï, cet esprit de la forêt amazonienne qui se révoltait contre une équipe de scientifiques venus tester un nouvel insecticide au péril de Mère Nature.

Son nouveau roman, Juliette et Roméo, nous remmène à Saint-Laurent-du-Maroni, au temps de la Première guerre mondiale, à l’époque où l’administration pénitentiaire expédiait encore au bagne des prisonniers qui devaient contribuer au « progrès de la colonisation française », dixit Louis Napoléon.

Roméo n’a pas le profil d’un criminel endurci, mais plutôt d’un garçon dans l’insouciance de la jeunesse, chien fou indiscipliné et insolent, auquel le lieutenant Dolympe fait payer durement la moindre incartade. Dans cette prison géante à ciel ouvert qu’est la Guyane, les cachots du camp de la Transportation sont des antres où grouillent les cafards qui galopent toute la nuit sur les corps mal endormis, cherchant la peau, les blessures, avidement.

Dans quelles circonstances Roméo va-t-il rencontrer sa Juliette, qui n’est autre que la fille du commandant du pénitencier ? C’est ce que raconte le roman d’Yves-Marie Clément. C’est évidemment l’amour qui foudroie dans une nuit d’orage les deux jeunes gens que tout sépare et en premier lieu le milieu social. Juliette a été promise par ses parents à un officier qui se bat à Verdun et cette perspective, un moment acceptée, la tourmente et l’accable progressivement depuis qu’elle a accompagné son père nommé en Guyane. Quand Roméo surgit dans sa vie, l’attrait irrésistible qu’elle ressent pour lui fait éclater ses chaînes intimes. Au fond, c’est elle qui était au bagne et c’est Roméo qui peut la libérer. Mais comment et à quel prix ?

Yves-Marie Clément fait rejouer à sa façon la pièce de Shakespeare, multipliant les obstacles sur la route des deux jeunes gens. Pourront-ils en triompher ? Son roman découpé en trois actes, dont l’écriture emprunte parfois au théâtre, n’est pas une tragédie, même si l’auteur abandonne à leur destin les deux amants enfin réunis, dans un voile de brume qui les enveloppe et nous les cache à jamais.

Écouter cette chronique (extrait lu à 2:24) :

Juliette et Roméo – Yves-Marie Clément – Le Muscadier (161 pages, 12,50 €)

PS : Une première version de ce roman est parue au Seuil en 2009.

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