vendredi 24 mars 2023

Les sœurs Lakotas

 


Je vous ai déjà parlé ici d’Henri Laborit et de son livre, L’éloge de la fuite. Il y explique que dans certaines situations conflictuelles, les êtres humains comme d’ailleurs les animaux, n’ont souvent le choix qu’entre trois options : la lutte, l’inhibition ou la fuite. Et que la fuite, dans certaines circonstances, n’a rien de lâche ni de déshonorant. Au contraire. C’est parfois le choix le plus rationnel et le seul salvateur !

Quand l’histoire des sœurs Lakotas commence, nous sommes dans la réserve amérindienne de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud, au cœur du Midwest états-unien. Denisa, alias Bearfoot, la sœur ainée, 16 ans, reçoit un appel téléphonique de l’assistante sociale du gouvernement tribal qui lui annonce que leur mère vient d’être arrêtée pour conduite en état d’ivresse, aggravée de rébellion, raison pour laquelle elle a écopé d’un an de prison ferme ! Bearfoot et ses  sœurs, Santee  (10 ans) et Ray (6 ans) vont devoir être placées dans des familles d’accueil et surtout : séparées ! 

C’est la perspective de cette séparation qui révolte Bearfoot : elle ne pourra plus protéger ses petites sœurs. Dans la soirée, elle prend la décision de fuir dans le vieux break familial que les policiers ont ramené à la maison. Direction la Californie, à 2000 km de là, où elle compte travailler dans les vergers aux côtés des clandestins venus du Mexique, pour vivre jusqu’à ce que sa mère ait purgé sa peine. Entassant quelques maigres affaires, elle embarque ses sœurs, après leur avoir expliqué sommairement leur situation, dans une aventure pleine de risques.

Et elles vont rencontrer rapidement toutes les difficultés inhérentes à ce voyage improvisé. Le réservoir de la Dodge n’est qu’à moitié plein, Bearfoot ne trouve que 40 $ que la mère avait cachés dans la maison : leur équipée ne va-t-elle pas tourner court ? Elles slaloment avec la police, essuient les coups de feu d’un fermier irascible, sont harcelées en voiture par des Blancs racistes qui les prennent en chasse. Mais elles font aussi de bonnes rencontres qui lèvent progressivement la méfiance et la peur du monde extérieur que leur mère leur avait inculquées.

C’est un beau roman d’itinérance et d’apprentissage pour les trois sœurs Lakotas. L’auteur, Benoît Séverac, a expliqué qu’il s’intéressait aux Amérindiens depuis plusieurs années. Pour les besoins de deux romans noirs pour adultes, coécrit avec Hervé Jubert, il a même vécu avec des Osages, dans leur réserve d’Oklahoma. Ce souci du vrai, documenté, l’a conduit pour ce roman à voyager aussi dans le Dakota du Sud. En décrivant la réserve de Pine Ridge qui abrite les Oglalas Lakotas, Séverac souligne les limites cruelles et injustes de cet enfermement faussement protecteur. La passion plus générale de l’auteur pour les États-Unis, ses paysages et ses grands espaces transparaît à chaque page. Et le lecteur se prend alternativement à frémir et à se réjouir devant l’audace de ces jeunes Amérindiennes, qui n’étaient presque jamais sorties de leur réserve et découvrent la vie au-dehors, soutenues par leur sororité.

Pour écouter cette chronique (extrait lu à 02:28 ) :




Les soeurs Lakotas - Benoît Séverac – Syros (249 pages, 17,95 €)

Autre chronique sur l'auteur : Le jour où mon père a disparu.

1 commentaire:

Francœur - À nous la vie d'artiste !

  Comment devient-on artiste ? Vous avez 12 ans et vous écrivez, tantôt des poèmes, tantôt ce que votre mère appelle « tes petits romans » ;...